— Joli parcours pour quelqu’un qui vient d’un établissement catholique, sourit Tina, et je comprends mieux pourquoi tu disais avoir des gouts éclectiques.
– Éclectiques, oui. Et, à propos de mon éducation, je repense à une enseignante que j’ai eue en première. Le bâtiment était ancien, avec une petite estrade. Mais quelque responsable avait eu l’idée de remplacer le bureau par un bureau ouvert à l’avant. Et vous l’aurez deviné, elle portait, parfois, des jupes relativement courtes. Les places dans l’axe du bureau étaient chères, et je dois avouer que je ne faisais pas le poids et je n’ai jamais été assis dans l’axe. Mais cette enseignante avait l’habitude de se désaxer de temps à autre, offrant ainsi à ceux relégués dans les travées latérales quelques instants de superbes visions. N’est-ce pas là, les joies de l’érotisme, ces visions attendues, entraperçues, entrecoupées de moments d’attente, d’espoir.
Et finalement, peut-être a-t-elle beaucoup plus participé à ma formation que je n’ai pu le penser à l’époque. Mais elle m’a aussi fait découvrir, outre ses cuisses, don Juan de Molière. Et je me souviens encore d’un extrait de la première scène de l’acte un « Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve ; et je cède facilement à cette douce violence, dont elle nous entraîne. » J’ai longtemps fait cette phrase mienne, même si aujourd’hui, c’est le plus le désir, l’envie et pire encore qui me ravissent.
— Continue, j’aime ta manière de te dévoiler, de te mettre à nu. Et, si tu dis que tes évolutions ont été progressives, il y a bien eu chaque fois une première fois.
— Tes désirs sont des ordres, oui, il y a eu des premières fois, il y a eu des premiers moments. Et je vais te parler d’une période que tu ne connais pas, ma première expérience de domination est intimement liée au minitel. Le minitel c’était aussi, surtout pour certains, des messageries, sur la plupart de ces messageries l’on pouvait créer plusieurs pseudos sans difficulté, voire en changer à chaque connexion.
Hélène, que j’avais rencontrée à plusieurs reprises pour d’intenses étreintes, avait choisi comme pseudo Marquise. D’une manière fort peu subtile, j’avais créé un nouveau pseudo Marquis, que j’ai conservé quelque temps. J’ai ainsi reçu un jour un message d’une inconnue qui me demandait simplement si mon pseudo avait un rapport avec Le Marquis. Je n’ai pas réfléchi et répondu positivement. Elle me demande aussitôt de quel côté de la cravache je me situais. Et j’avais répondu que j’étais du côté du manche. Je dois t’avouer que, dans les échanges qui ont suivi, je me suis abstenu de préciser que j’étais néophyte, ce qui il faut l’avouer, est beaucoup plus élégant que débutant.
Les échanges sur minitel étaient un peu fastidieux, nous sommes assez vite passés à des échanges téléphoniques, puis à un déjeuner pour enfin nous voir. Le soir même, je recevais un message que je n’ai pas oublié depuis « Monsieur, je voudrais vous recevoir chez moi, si tel est votre désir ».